Des hybrides..et des autres.

Quelques généralités, et tout d'abord, un petit rappel sur l'évolution des espèces.


"J'ai donné à ce principe, en vertu duquel une variation si insignifiante qu'elle soit se conserve et se perpétue, si elle est utile, le nom de sélection naturelle" Charles Darwin, 1809-1882.

Darwin n'est pas le premier à se pencher sur les processus évolutifs d'adaptabilité lorsqu'il commence ses recherches.
Aristote lui-même penchait en faveur du finalisme, c'est à dire d'une conception globale de l'univers tendant à modifier l'ordre naturel, et donc les espèces animales, dans le cadre d'un but final, notion qui frôle le divin.

Ainsi, Aristote pose le postulat d'un effet qui précède la cause, le lien de causalité se trouvant par là-même inversé.
Il est intéressant de noter que nombre de philosophes, puis de zoologistes et biologistes, avant Darwin, naviguaient joyeusement sur la critique de cet angle aristocélién, sans vraiment remarquer le caractère profane de leurs critiques.

Socrate et Platon quant à eux avaient une vision encore plus proche du divin (pour mémoire, nos trois gaillards évoluent dans une société polythéiste, et non pas monothéiste)
Pour eux, il y a un organisateur , un « démiurge » qui gère toutes ces causalités.

Cette position sera reprise dans le cadre des trois religions du Livre, par exemple les thomistes de St Thomas d’Aquin diront : « Finis est prima in intentione, ultima in executione », qui concilie déterminisme et finalisme : la fin est première dans l'intention, ultime dans l'exécution »
Le déterminisme : c’est parce que les choses sont ainsi que leur effet se manifeste.

Ainsi, et jusqu’au philosophes des 18ème et 19ème siècles ( et même encore à ce jour pour nombre de personnes) le finalisme est l’idée dominante, car le remettre en cause ne serait-il pas remettre en cause l’existence divine ?
Pour mémoire, le darwinisme est de nouveau interdit actuellement dans beaucoup d’établissements scolaires américains.

Et pendant tous ces siècles, seuls les « mécaniques » ont remis en cause le finalisme. Pour eux, c’est la cause qui génère l’effet, et non l’inverse. Descartes, copernic en sont quelques représentants, souvenons-nous aussi de Lucrèce : « ce n'est pas la fonction qui crée l'organe, mais l'organe qui crée la fonction »

Avant Darwin, Jean-Baptiste de Lamarck (1744-1829) avance sa théorie sur l'évolution des espèces. Le « transformisme » est né.

Darwin pose clairement le principe de l’adaptation naturelle des espèces à leur milieu. Ses travaux sur les pinsons des Galapagos le démontrent clairement.

Toutefois, conjointement à la sélection naturelle, la sélection artificielle monte en puissance en même temps que le leadership du genre humain s’affirme..Le loup, le chacal deviennent le chien ( cf les travaux de Konrad Lorenz) les bovidés sauvages deviennent des ruminants, usines à lait et à viande, etc..

Peu à peu, les poissons se fondent dans ce moule, à des fins alimentaires..La pisciculture semble même pour beaucoup être la solution miracle à la malnutrition, et en France, 50% environ des poissons consommés n’ont pas grandis en milieu naturel.

(http://www.nationalgeographic.fr/11688-le-poisson-delevage-suffira-t-il-a-nourrir-la-planete-alimentation-aquaculture-environnement/# )

Mais l’homme va aussi transformer des espèces afin d’en retirer un agrément visuel. Avant même l’an mille, Carassius auratus va être élevé, transformé, sélectionner, pour donner naissance à des variétés de plus en plus éloignées de l’espèce originelle.
D’autres suivront, l’engouement pour les Combattants suscite l’apparition de nombreuses mutations fixées. Le guppy, le scalaire, le discus, etc.. : idem. Les exemples commencent à être légion.

Le flower horn fait parfois débat ici, mais il n’est pas le seul..

Désormais, en Asie, on tatoue les poissons, on dessine sur leurs écailles, etc..( http://www.ina.fr/video/VDD09008948/engouement-pour-les-poissons-tatoues-a-singapour-video.html )
Pas de réelle nouveauté à cela, on pratique ainsi sur nombre d’espèces non écaillées.
Et, comme le vison, les poissons captifs s’échappent.

Leur retour à la liberté s’effectue bien évidemment près des fermes aquacoles, en parfaite conquête intempestive de milieux ( marins ou eau douce) qui ne sont pas les leurs, avec les conséquences imaginables.

Je vous invite à voir « Le cauchemar de Darwin » film sorti en 2005, sur les conséquences catastrophiques de l’introduction de la perche du Nil (Lates niloticus) dans le lac Victoria.
A vous lire.

Bravo Messire PATRICK et "Chapeau bas" !
Ce forum prend une dimension culturelle et dépasse largement le niveau des pâquerettes ou le ras de l'eau auquel il stagnait.
D'autre part avec ce post, on va pouvoir régler leur compte à toutes les horreurs du monde aquariophile.

Uaru a écrit:...
Aristote lui-même penchait en faveur du finalisme, c'est à dire d'une conception globale de l'univers tendant à modifier l'ordre naturel, et donc les espèces animales, dans le cadre d'un but final, notion qui frôle le divin.

Le flower horn fait parfois débat ici, mais il n’est pas le seul...

Aussi appelé Lohan, l'univers divin du flowerhorn revêt un côté très intéressant malgré cette hybridation complexe associée à une sélection poussée.

Bien vu et bien dit tout ça.

Suite
Radiation évolutive et explosion évolutive

Deux concepts proches, traitant de la même problématique, l’évolution des espèces.

L’explosion évolutive, comme son nom l’indique, est un « big bang » qui génère une « explosion » à partir d’un ou plusieurs taxons, jusque là minoritaires, voir absents, en tous cas, non-dominants.

Pourquoi cette explosion ?

Diverses possibilités, bien sûr. Celle qui vient à l’esprit immédiatement est la disparition d’une espèce, d’un genre, d’une famille,etc…
Et bien sûr, la disparition des dinosaures nous renvoie ensuite à l’importance prise ensuite par les mammifères.
Dans le cadre de cette explosion, toutes les niches abandonnées vont trouver un nouveau locataire, dans un temps assez rapide ( explosion…)
Autre cas, un bouleversement géographique, qui va rapidement entraîner la aussi des modifications substantielles. Par exemple, l’apparition des grands lacs africains, le morcellement des continents ( Madagascar est à ce sujet un exemple significatif)

La radiation évolutive va quant à elle poser le postulat d’un ancêtre commun, à partir duquel sont issues toutes les espèces évoluant dans un milieu donné. C’est une radiation adaptative, chaque nouvelle espèce trouvant son équilibre par l’adaptation dans un milieu précis.

On peut consulter sur le site de l’Université de Liège un bon article sur les poissons demoiselles, dans ce contexte.
Dans le cadre d’eaux closes, on distingue désormais les lacs « jeunes » comme par exemple les lacs alpins, et les « vieux » lacs, comme le Tanganyka.

Une première chose saute aux yeux : les lacs anciens sont peuplés par des centaines d’espèces, au contraire des lacs jeunes, bien plus pauvres en diversité.
Ceci tendrait bien sûr à confirmer le postulat d’une évolution à partir d’une espèce, ou d’un tout petit nombre.

Et quid des hybrides ?

Il va de soi que spontanément, on comprend que l’hybridation naturelle a peut être permis certains sauts de puces évolutifs, mais de fait, c’est le milieu qui conditionne cette évolution, et surtout par la diversité de la recherche alimentaire.

Donc, a priori, l’hybride est exclu d’un ecosystème naturel.

Il y a peu, Christopher Martin et Peter Wainwright, de l'université de Californie ont publiés les résultats d’une expérience menée dans la durée sur les cyprinodons des lacs salés des Bahamas.

Il s’agit de lacs récents, dans lesquels trois espèces se sont adaptées en se spécialisant, l’une en broutant des algues, la seconde en consommant les escargots des lacs, a troisième en mangeant les écailles des infortunés qui passent à proximité.
Christopher Martin et Peter Wainwright ont pendant trois ans capturé des spécimens de chaque espèce, qu’ils ont joyeusement invité à se reproduire par hybridation..3000 poissons sont nés ainsi.

Ultérieurement, les deux chercheurs les ont réintroduits, dans des enclos isolés.
Trois mois plus tard, récupération des enclos, volontairement plus ou moins peuplés.

Et là, pas de contestation : dans les enclos fortement peuplés, et donc avec une compétition alimentaire forte,les hybrides ayant une robe, une machoire, etc les plus proches des trois espèces d’origine sont ceux qui survécurent.
Caroline Depecker écrit, je cite « Ces résultats illustrent deux points majeurs de la radiation adaptative, à savoir que les chances de survie des individus sont liées à leur capacité à exploiter des ressources environnementales distinctes - ici la nourriture -, et cela, d'autant plus que ces ressources sont limitées. »
A vous lire.